Des moyens renforcés contre le travail illégal
Les pouvoirs publics intensifient les actions contre le travail illégal, comme en témoigne le nombre record de redressements pour fraude en 2018.
Alors que la directive européenne sur le détachement des travailleurs dans le cadre d’une prestation de service est en passe d’être transposée dans le droit français, les pouvoirs publics manifestent leur volonté de renforcer les contrôles et d’accroître les sanctions contre les différentes formes de travail illégal.
En témoignent les chiffres de l'ACOSS* , chargée du recouvrement et du contrôle des cotisations sociales : en 2018, 5 000 contrôles ciblés ont été menés et le montant total des redressements infligés aux entreprises pour fraude au travail dissimulé a atteint 640,7 millions d'euros, tous secteurs confondus. Le BTP représente, à lui seul, 50,8% des amendes infligées pour les redressements de plus de 10 millions d'euros. A titre de comparaison, les transports et l'industrie ne pèsent que pour 3,7% et 1,8%. Les autres secteurs d'activité les plus impactés sont l'hôtellerie-restauration (22%) et le commerce (15%).
Mais le record de 2018 est aussi lié à un meilleur ciblage des fraudeurs eux-mêmes. « Nous ciblons davantage les montages complexes de grande ampleur dont les enjeux financiers sont plus importants », commente le directeur général de l’ACOSS, Yann-Gaël Amghar. Résultat : plus de la moitié (52 %) des sommes redressées concerne des fraudes de plus de 1 million d’euros.
L’intensification de la chasse au travail dissimulé est aussi facilitée par le développement de nouvelles modalités de détection des situations de fraude : les agents de l’URSSAF s’appuient notamment sur des algorithmes de contrôle qui cartographient le risque et permettent de mieux détecter les incohérences. Afin de pouvoir absorber les délais d’investigation allongés du fait de la complexité des situations (sous-traitance en cascade, montages juridiques avec des sociétés « écran », etc.), les effectifs des services mobilisés dans la lutte contre le travail illégal ont été renforcés, avec 220 agents « équivalents temps plein ». Dans les quatre ans, cet effectif devrait augmenter de 70 postes.
Dans le domaine spécifique de la fraude au détachement, des échanges d’informations entre administrations françaises sont mis progressivement en place : ainsi, le réseau des URSSAF aura accès, dès le mois de mai 2019, aux données de la base SIPSI , gérée par la Direction générale du travail, et qui permet aux entreprises concernées de transmettre leurs déclarations préalables de détachement directement depuis une plateforme sécurisée.
En parallèle, les pouvoirs publics ont multiplié depuis deux ans les accords de coopération avec les pays limitrophes : le Portugal (février 2017), l'Italie (juillet 2018), la Pologne (janvier 2019) et l'Espagne (février 2019). Deux conventions bilatérales ont déjà été signées il y a quelques années entre la France, la Belgique et le Luxembourg. L'ACOSS précise qu'un rapprochement est aussi prévu avec les autorités bulgares et slovaques.
* Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, qui chapeaute les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF)
** Système de gestion des déclarations de détachement
La Carte BTP
Ce dispositif qui répondait à une demande ancienne de la profession, a été rendu obligatoire sur tous les chantiers depuis le 1er octobre 2017, avec l’ambition de faciliter les contrôles. Depuis son lancement en mars 2017, c’est plus d’un million de Cartes BTP qui ont été créées, y compris pour les salariés détachés et les salariés intérimaires détachés. Elles sont dotées d'un « flashcode » permettant d'avoir rapidement accès, via un téléphone, aux informations sur le salarié et de vérifier la validité du titre. Les échanges d’informations avec la base « SIPSI » de la DGT permettent à l’outil géré par l’UCF CIBTP de remplir plus efficacement sa mission contre le travail illégal et la concurrence sociale déloyale.